"La marche du RHDP met Laurent Gbagbo face à ses responsabilités" par Macaire Dagry



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L’ancien président ivoirien, L. Gbagbo, fidèle à sa logique guerrière et jusqu’au-boutiste disait : « lorsque le Président J. Chirac était au pouvoir, je ne dormais pas la nuit ». On peut alors supposer qu’il le faisait le jour. Aujourd’hui, avec la victoire du Président Alassane Dramane Ouattara (ADO) à l’élection présidentielle ivoirienne, il ne doit plus du tout dormir. Ni la nuit, ni le jour. Il avait le choix de rentrer dans l’histoire de son pays par la Grande Porte. Soit, avec tous les honneurs dus à son glorieux passé d’opposant historique. Soit rejoindre la très longue liste des dictateurs africains dont il a lui-même dénoncé avec force et courage le despotisme et leurs comportements antidémocratiques.

Avant même le premier tour, le candidat ADO avait dit qu’il formerait un gouvernement d’union avec tous les membres des différents partis politiques ivoiriens ainsi que des personnes de la société civile. Cela afin de garantir la paix à notre pays et surtout une réconciliation nationale. Après sa victoire, il a appelé « son jeune frère » L. Gbagbo à respecter les engagements qu’ils ont pris devant le peuple ivoirien. C’est-à-dire, respecter le verdict des urnes. La communauté internationale à son tour a multiplié les appels aux respects de la légalité, du droit ainsi que de la volonté du peuple qui demeure souveraine. Des éminents émissaires se sont déplacés pour rencontrer l’ancien Président ivoirien afin de l’amener à la raison en reconnaissant sa défaite et lui garantir une sortie honorable digne d’un ancien chef d’Etat. Le président Obama lui a même dit, « qu’il était prêt à le recevoir à la « Maison-Blanche » pour étudier ensemble la possibilité s’il le souhaite de continuer à jouer un rôle important en Afrique, dans une grande institution politique. Il a malheureusement rejeté toutes les négociations et propositions qui lui ont été faites. Le président ADO a tout tenté pour l’amener à la raison afin d’éviter à nouveau un drame à notre pays. Toutes les institutions politiques, économiques et financières africaines ont fait de même, sans succès. Face à cette situation bloquée, la communauté internationale et notamment les institutions africaines, ont donc opté pour un isolement politique et financier de l’ancien chef d’Etat. Nous le savons, la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) vient de lui retirer sa signature, en dépit du fait que son gouverneur soit un proche de L. Gbagbo qui l’a proposé à ce poste.

Confronté à un étranglement financier du pays, L. Gbagbo a donc été obligé d’ouvrir les frontières qu’il avait fermées pour mieux se protéger des éventuelles « agressions extérieures » fantasmées. Il espérait ainsi toucher l’argent des taxes douanières, refaire marcher l’économie afin de percevoir les différentes taxes et impôts de sociétés en fin d’année. Malheureusement pour lui, il y a désormais, deux administrations. De ce fait, les sociétés en Côte d’ivoire ne sachant pas à qui payer, refusent à juste titre de payer ni à l’une, ni à l’autre administration. Elles attendent que la situation s’éclaircisse pour le faire. Les pays limitrophes qui n’ont pas de port chez eux et qui font passer leurs marchandises par les ports ivoiriens, trouvent des solutions alternatives pour éviter de payer des taxes à une administration qu’ils ne reconnaissent plus. Ils accentuent ainsi la stratégie d’étranglement mise en place par l’Union Africaine et la CEDEAO. La pression est également mise sur les sociétés internationales qui achètent le café, cacao et autres produits ivoiriens, afin qu’elles trouvent également d’autres solutions pour de ne pas commercer avec une administration illégitime. Cette situation financière catastrophique qui étrangle le pays affole de fait les fonctionnaires et notamment les éléments des corps habillés qui se demandent comment ils seront payés. La grogne commence donc à monter dans le pays. Plusieurs élus ont signifié leur non-reconnaissance au gouvernement Gbagbo ainsi que des préfets et hauts fonctionnaires d’Etat.

Depuis le début, L . Gbgagbo cherche l’affrontement armé

Face à toutes ces incertitudes qui s’imposent à lui, L. Gbagbo a donc décidé de passer à l’offensive en demandant aux éléments de l’armée qui lui restent encore fidèles d’attaquer l’hôtel qui sert de présidence provisoire au Président ADO. La forte présence des casques bleus de l’ONU autour de ce bâtiment les a dissuadé. Depuis le début, L . Gbgagbo cherche l’affrontement armé afin de créer à nouveau une incertitude et un chaos général dans le pays afin de se maintenir à nouveau au pouvoir dans l’illégalité. On le sait, sa technique, c’est d’agir toujours par la force. Puis négocier après en gagnant le maximum de temps dans des négociations interminables. Il est aujourd’hui étranglé financièrement. Il sait que les corps armés commencent à douter, voire-même à changer de camp, les fonctionnaires sont à bout et la population excédée. Il sait aussi qu’il ne peut pas tenir ainsi très longtemps. Les forces de défense sur lesquelles il compte ne sont plus très sûres. De ce fait, selon plusieurs sources, il aurait fait rentrer dans le pays des milices libériennes pour suppléer les éventuelles défections de ses soldats.

Affaiblit et paniqué par la perte d’un pouvoir qu’il croyait éternellement acquis, c’est le moment qu’a choisi le gouvernement Soro pour inverser le rapport de force. Si L. Gbagbo donne l’ordre de tirer une fois encore sur des manifestants qui réclament le respect de la volonté du peuple, il s’expose de lui-même aux poursuites de la cour pénale internationale. Ses généraux et autres gradés le savent, si le pouvoir Gbagbo tombe, ils tomberont avec et se retrouveront à répondre de leurs actes face au tribunal pénal international. Ils sont de fait eux aussi confrontés à leurs responsabilités et aux conséquences éventuelles de ce qui pourrait arriver en cas de drame humain lors de la manifestation du RHDP. Avec naïveté sans doute, nous croyons que ces gradés de l’armée, de la gendarmerie et de la police arriveront à convaincre l’ancien Président L. Gbagbo d’éviter cette erreur qui risque d’être fatal pour lui, pour eux et pour toute la Côte d’ivoire. Naïvement, nous espérons que la raison et la conscience collective l’emporteront sur l’inconscience et l’avidité d’un pouvoir déjà perdu. Néanmoins, nous prions pour que la Grâce de Dieu nous aide à traverser cet épisode tragique et sombre de notre histoire. Nous le savons aussi, la naissance de la démocratie, des libertés individuelles et collectives s’est toujours faite dans la douleur et le sang. Malgré cela, une fois encore, naïvement nous espérons à une prise de conscience et au sens de la responsabilité de nos principaux acteurs politiques. En politique, nous le savons aussi, tout est possible, même lorsque la situation reste très préoccupante et désespérée. Le rapport de force extrême, n’est pas incompatible avec la négociation secrète, la responsabilité des actes posés, l’esprit de l’intérêt général et surtout le poids de nos décisions dans l’histoire. Naïvement nous croyons encore à la force du sens de la responsabilité.

Macaire DAGRY

15 décembre 2010

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