Une Tribune libre: « Ombres chinoises »



J'ai le plaisir d'ouvrir mon bloc-notes à la plume alerte, brouillonne parfois, (ça me va bien de dire ça !) mais toujours drôle, à Jean Huck, que beaucoup d'entre vous connaissent bien. Il rougirait que j'orne l'article de son portrait...

Promesse de louveteau, si la chronique devenait récurrente, je la baptiserai « la Tribune de  Père Castor ». Parce que Jean, je ne sais pas s'il a été scout, mais il est sacrément aguerri question jeux de pistes et autres signaux. J'oubliais, j'ai censuré deux noms d'oiseaux. Oui, le politiquement correct a chez moi les mêmes limites que mon porte-monnaie. Je n'ai pas encore les moyens d'un procès.

Jean à mes côtés, dans mon action politique, presque un précepteur, c'est l'assurance de pas mal de travail mais aussi de moments où culture et sourires se marient.

Bonne lecture.

« Ombres chinoises »

Le récent billet de Marie Mayer sur son blog m’a incité à prendre la plume sur un sujet apparemment peu connu par chez nous : la Chine.

A.Les tribulations d’un Chinois en Europe.

Le Maire-Ministre de Nice a perdu encore une occasion de se taire lorsqu’il est intervenu sur une demi-page dans « ….-Matin », la feuille qu’on parcourt d’un derrière distrait. Il a parlé, en gros, de l’indéfectible amitié franco-chinoise. M........ !

Tout homme d’Etat sait, depuis Palmerston, « qu’un pays n’a pas d’amis, seulement des intérêts ». C’est du cours 1.01 de science politique. La Chine ne cherche pas « d’amis » en Europe. Et elle aurait bien tort d’en chercher (voir supra).

Alors que vient faire Hu Jintao par chez nous? Certainement pas passer des contrats en vue d’aider l’économie française. Et, entre nous, 17 Milliards d’Euros, c’est de la petite monnaie pour lui ; euh.. pour l’Etat Français aussi d’ailleurs. Je ne suis même pas sûr que cette somme « couvre » le déficit courant de 2010. Non, ça, c’est pour la galerie.

Après le « coup » de Tata qui a empoché benoîtement quinze ans d’études sur la voiture à air comprimé (merci M. le Ministre de l’Industrie !), il ne m’étonnerait pas outre mesure qu’une discrète « délégation » ait accompagné M. le Président Chinois pour voir si, par hasard, il n’y avait pas d’autres opportunités qui traînent dans le coin. Pure supposition… et pure coïncidence si un homme d’affaires Chinois projette d’acquérir l’ancienne base OTAN de Châteauroux.

Non, M. Hu Jintao est venu pour essayer de parachever le « containment » d’une économie US devenue folle. Il a rendu visite au futur « Président » du G20 pour tâter le terrain et voir s’il y avait moyen d’arrêter les grandes lignes d’une attitude commune. Si ce déplacement s’est avéré un succès (pour la Chine), il constitue le dernier « angle » du « triangle » de la politique étrangère Chinoise entrepris il y a quinze ans environ :

Les discussions et tractations (cession de terres par la Russie sur le fleuve Amour) qui ont abouti au « Groupe de Shanghaï », regroupant Chine, Russie et quelques Républiques d’Asie Centrale ; objectifs : sécurité et économie. En particulier un accord pour une dérivation de l’oléoduc et du gazoduc vers Nakhodka (destiné au Japon) en direction de Harbin. Pour la Russie, débouchés assurés, pour le Japon et la Chine, source d’approvisionnement stable. Et partenariat stratégique entre trois pays pas spécialement « amis »….. mais unis par la nécessité. Et favorables à une certaine indépendance vis-à-vis des pétroliers US.

La création plus récente d’une espèce de « Fonds Monétaire Chinois » libellé en Yuans, qui devient monnaie d’échange dans le Sud-Est Asiatique, et crotte pour le F.M.I. Il est à noter que dans cette région les pays ayant, après la « crise asiatique » de ces dernières années, refusé « l’aide » du FMI (et ses consignes) se sont relevés plus rapidement que les autres, et que la Chine n’a JAMAIS rien voulu savoir du FMI. Et aujourd’hui, l’esquisse d’un partenariat stratégique avec l’Europe, en vue du prochain G20 consacré à la stabilisation des systèmes monétaires. En clair : mettre des garde-fous autour de l’économie US.

Car, pour le monde, le danger clair et immédiat ne vient pas de la Chine mais des actions économiques et militaires de Washington. Le perturbateur, et dangereux, ce ne sont ni Pékin, ni Moscou ni (rires contenus) Bruxelles, mais bien Washington. Le fameux complexe militaro-industriel contre lequel Dwight Dean Eisenhower nous mettait déjà en garde en..1961.

Ce complexe a fini par annexer le Trésor, le Département d’Etat et le Pentagone. Mais il ne faut jamais oublier le proverbe anglais : « Il y a trois générations de la casquette à la casquette ». L’intelligence ne s’hérite pas. Nous en sommes à la troisième génération depuis 1961… Je ne parlerai pas de morale (car alors il me faudrait reprendre le fusil) mais l’ancien militaire en moi bout de rage devant l’imbécillité criminelle des invasions de l’Afghanistan et de l’Irak. Tout ça pour donner un peu d’air à l’industrie lourde américaine. GI Joe et le citoyen lambda US ne comptent pas dans l’équation aux yeux de ces messieurs.

Et la dernière « initiative » de Fred Bernanke, le patron de la FED (qui, entre nous, est une association privée de six grandes banques domiciliée… à Londres) d’injecter 600 Milliards de dollars dans l’économie américaine ! C’est une dévaluation pure et simple (créée rappelons le par une société privée) qui fait que le Dollar a perdu 20% de sa valeur en moins de dix ans. Et le Trésor US qui chouine que le Yuan est sous-évalué !.... On croit rêver.

Ce n’est ni pour protéger ses exportations, ni même pour devenir Hégémon que Beijing se livre à ces manœuvres. C’est, plus immédiatement et prosaïquement pour essayer de se prémunir contre la deuxième vague de « LA Crise ». Car la Crise de 2007 n’est pas finie, loin de là. Les écon-omistes (tiret volontaire) ont daubé sur la prétendue erreur stratégique commise par Washington en laissant Lehman Brothers couler. Hi ! Hi ! pas du tout : l’occasion était trop bonne. La tritrisation des subprimes avait consisté à refiler des créances pourries au monde entier, diluant ainsi la dette US. La Crise les a « effacées » par une série de mesures de sauvetage des systèmes bancaires (on a laissé tomber l’Islande : pas de pétrole et la Guerre Froide est finie).

Ces Milliards de dollars électroniques ont donc disparu, allégeant ainsi la dette globale US au détriment évidemment de la consommation mondiale. Joseph Stiglitz analyse la situation en 2099-2010 comme « un manque de demande globale » qui ralentit l’activité économique. Je note que dans l’ensemble les banques s’en sont bien tirées, mais que cette dépression de la demande reste.

Mais La Crise n’a pas atteint ses objectifs : la dette US n’a pas été suffisamment « allégée » ; il faudra une deuxième vague. Et la Chine craint simplement que cette deuxième vague atteigne gravement son économie, dans la tourmente mondiale renouvelée.

Euh… « quand les gros maigrissent, les maigres sont morts », proverbe chinois.

Le manque quasi-total de compétitivité de l’économie US (illustré par la chute des monstres de Detroit), couplé avec une puissance militaire sans équivalent est un cocktail hautement dangereux. Il est tentant de se servir de son revolver pour « résoudre » ses problèmes. C’est pour cela que M. Hu Jintao a pris son bâton de pèlerin. Et est allé voir le futur « Président » du G20, notre roquet-Président afin qu’il aille mordiller les chevilles de M. Obama.

PAS pour déjeuner (même pas sur la Prom’ eh ! patate !) ni pour « parler contrats », 17 Milliards d’Euros, c’est peanuts, un pourboire au niveau des États. Ni, surtout, pour se faire casser les c…. avec le Tibet et le Dalaï Lama. But this, would say Rudyard Kipling, is another story.

A suivre.

P.S. Je ne suis PAS un sinophile (non pas cynophile, Christian, sinophile). Je suis un européen convaincu et je n’aime pas qu’on oppresse les gens. Mais il faut essayer d’y voir clair, et ça demande quelque distance avec le sujet.

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