Crise chez les travailleurs sociaux.



Préambule :
Un billet un peu particulier, difficile pour moi. Je vais essayer de ne pas me tromper de casquette.
La convention collective dite "66" qui est en vigueur dans un grand nombre d'établissements sanitaires et sociaux est en cours de renégociation.
C'est bien d'un point de vue politique que je vais aborder la question, sans oublier que mon métier d'éducateur occupe quand même une bonne partie de mon temps, fait "bouillir la marmite", et ce depuis près de 15 ans.

Alors, quelle crise chez les travailleurs sociaux ?

La convention collective 66 est la dernière à être discutée, bousculée par les propositions des syndicats employeurs du secteur du "travail social" ou de l'éducation spécialisée. Après celle des centres de lutte contre le cancer (CLCC) en 99, la convention collective 1951 (FEHAP) et la convention Croix Rouge en 2003, voici le tour de la Convention du 15/03/1966. Celle-ci régit le cadre de travail des salariés des associations de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (Snasea), des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif (SOP) et des associations de parents et amis employeurs et gestionnaires d’établissements et services pour personnes handicapées mentales (Fegapei). Les propositions de ces 3 syndicats employeurs présentent des reculs importants concernant notamment les métiers et leurs spécificités, les garanties collectives (atteinte au fait collectif dans le travail) et l’organisation des salaires pour les employés du secteur.
Je ne parle même pas de la crise de sens que traverse en permanence chaque acteur œuvrant dans le champ des détresses sociales, de l'inadaptation, des handicaps. A quoi je sers ? Le regard de la société sur les personnes handicapées changera-t'il ? Sommes-nous des agents du contrôle social ?...

Mon questionnement à ce jour :

Sans rentrer davantage dans les détails, la première question qui me vient à l'esprit est la pertinence de remettre en question aujourd'hui ces accords sociaux, négociés au fil de l'histoire du développement de ce secteur. La pénibilité de certaines de nos tâches quotidiennes, la complexité pour répondre aux besoins immenses et variés des publics les plus en difficultés et le manque d'attractivité de certains de nos emplois (éducateur d'internat pour adolescents, par exemple) semblent occultés par les collectifs d'employeurs.
Les financeurs, État, Assurance maladie ou Conseils généraux ont bien compris où réaliser quelques économies futures. Pas tout de suite, assurent-ils, mais bientôt, je n'en doute pas.
La crise va toucher de plein fouet les publics, nombreux, les plus fragiles: est-ce le moment de s'attaquer aux travailleurs sociaux ?
A l'heure d'une crise financière, puis économique sans précédents depuis des décennies, c'est une crise de sens qui se propage dans nos sociétés.En première ligne, les éducateurs, qui n'ont jamais été des privilégiés corporatistes, vont devoir faire plus avec moins de moyens. En effet, tandis que les "progressions" de carrières à l'ancienneté sont remises en cause, les budgets de nos établissements et services sont eux aussi en sursis, avec une menace latente de coupes sombres, habillées de "contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens".
La réalité profonde est la pression du secteur privé marchand et des grandes organisations patronales classiques, qui se satisferaient bien de voir transférer une grosse part des activités sociales vers une offre de services marchands. Ce n'est pas difficile, il suffit de solvabiliser la demande.
Alors le social, qui n'est pour certains qu'un "coût" deviendrait un produit comme les autres.
Qui a déclaré il y a une quinzaine de jours, à la tête de son exécutif local: "le seul social que je connaisse, c'est l'investissement et l'emploi "?
Ah, qu'il est facile d'oublier que le premier poste budgétaire de la collectivité locale que l'on vient de quitter, ...était le social!

Dernier chapitre

Compétences validées et qualifications remises en cause (spécificités des métiers et formations niées), rémunération à parts variables pour des emplois organisés par des "critères classants", gestion individualisée des carrières, congés spéciaux supprimés, voilà plus d'une raison de se mettre en grève et de manifester.(jeudi 10h, CADAM)

Epilogue, provisoire:
Si vous n'avez rien compris à mon billet, revenez demain ou découvrez le site du collectif 06 pour défendre la convention 66.
Je ne ferais pas grève, jeudi, mais je ne serais jamais loin de mes collègues, au service de "notre public" en difficultés.
En espérant que les syndicats sauront un jour se remettre en question (informations trop réduites), et que l'ensemble de mes "collègues" ne perdront jamais de vue leur éthique professionnelle, avec aussi, des droits et des devoirs.
N'est-ce pas ce que nous tentons de faire passer aux plus faibles de notre société ?

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