Regards et politique

Une conférence nationale du handicap très axée sur l'emploi

La déception est à la hauteur des espoirs des associations de personnes handicapées qui dénoncent, à l'instar du collectif interassociatif "Ni pauvres, ni soumis", "le rendez-vous manqué du président de la République sur la question des ressources". Nicolas Sarkozy "n'a, à l'évidence, ni entendu ni compris les 35 000 personnes venues manifester à Paris le 29 mars dernier", regrette ainsi le collectif, qui réclame, dans un pacte aujourd'hui signé par une centaine d'organisations, la création au 1er janvier 2009 d'un revenu d'existance au moins égal au montant du SMIC et la revalorisation dès 2008 de l'ensemble des allocations et pensions. "Parler d’AAH seulement, c’est exclure d’un discours toutes les personnes bénéficiaires de pensions d’invalidé et de rentes accident du travail", s'insurge-t-il donc dans un communiqué. "Répondre employabilité à des personnes qui ne peuvent pas ou plus travailler, c’est méconnaître leur légitime revendication à pouvoir vivre dignement", poursuit-il. "Car pour les centaines de milliers de personnes vivant sous le seuil de pauvreté parce qu’elles ne peuvent pas ou plus travailler en raison de leur handicap ou de leur maladie, la recette magique de l’emploi ne fonctionne pas et les formules incantatoires ne sont le signe avant-coureur que d’un inadmissible immobilisme", conclut le collectif qui annonce enfin "qu'il ne lâchera rien".

A l'occasion de la première conférence nationale du handicap, qui s'est tenue mardi 10 juin à Paris, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a confirmé la prochaine réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et annoncé la création en cinq ans de 50 000 places en établissements et services, dont 30 000 devront être en service d'ici à 2012. Rappelant son engagement d'une augmentation de 25 % du montant de l'AAH au cours de son quinquennat, le chef de l'Etat a souligné que cette hausse allait s'accompagner d'une évolution de cette prestation, "qui a constitué un progrès en son temps mais qui ne correspond plus à vos aspirations", a-t-il lancé à son auditoire, notamment composé de représentants d'associations de personnes handicapées. "L'AAH est désormais une allocation attribuée parfois de manière arbitraire et qui apparaît inadaptée tant aux besoins des personnes qui ne peuvent pas travailler qu'aux besoins de ceux qui le peuvent", a-t-il poursuivi, en précisant son intention d'en modifier les critères d'attribution afin de la rendre "plus homogène sur le territoire français". Son montant devrait en outre être ajusté chaque trimestre, au vu des revenus des trois mois précédents.

Faire évoluer l'AAH

Le ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, Xavier Bertrand, et sa secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, Valérie Létard, doivent en outre poursuivre la concertation en cours sur la révision du mécanisme de cumul entre l'AAH et les revenus du travail, qui "n'est pas satisfaisant", selon Nicolas Sarkozy. "Chaque demandeur de l'AAH bénéficiera d'un bilan professionnel", a ainsi précisé plus tard Xavier Bertrand, en évoquant les 265 000 bénéficiaires de l'AAH sans emploi (sur un total de 810 000) alors qu'ils ont été reconnus travailleurs handicapés. Un contrat d'insertion et d'accompagnement vers l'emploi sera proposé à ceux qui sont en mesure d'en bénéficier. Plaçant cette question parmi les trois priorités du projet que la société se doit d'avoir, selon lui, à l'égard des personnes handicapées - soit l'éducation, l'emploi et l'accessibilité -, le chef de l'Etat a en effet insisté sur l'importance de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, qui a occupé une large part de son discours. Il a, entre autres, stigmatisé "nos instances de formation qui se sont jusqu'à présent peu souciées de la formation des personnes handicapées", s'attirant quelques applaudissements en annonçant "une réforme totale de la formation professionnelle".

Un "Pacte" pour l'emploi

De même, il a invité chacun à prendre ses responsabilités en la matière - maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), service public de l'emploi (ANPE-Assedic), Cap Emploi, entreprises adaptées, régions, entreprises et partenaires sociaux - pour contribuer à la qualification et à l'embauche de personnes handicapées. A cet égard, il a renvoyé au "Pacte pour l'emploi des personnes handicapées", présenté plus en détail dans l'après-midi par le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, Laurent Wauquiez, et qui est centré sur l'accompagnement des personnes handicapées et le partenariat avec les entreprises, rappelées à leur obligation d'employer 6 % de travailleurs handicapées dans leurs effectifs. Nicolas Sarkozy a par ailleurs réaffirmé le principe de la scolarisation des élèves handicapés qui peuvent l'être en milieu ordinaire avec les enfants valides, tout en poursuivant la création de places, en particulier dans les instituts médico-éducatifs (IME), "pour les enfants les plus lourdement handicapés". Sur l'accessibilité enfin, dont "le chantier est titanesque, à la mesure du retard pris par la France", a-t-il reconnu, il a appelé les collectivités locales à se mobiliser et à tenir le délai de dix ans fixé par la loi du 11 février 2005. "Enfin, il est prévu d'expérimenter prochainement des 'zones d'accessibilité concertées' avec les acteurs locaux", a-t-il encore déclaré, pour assurer une continuité entre habitat et travail dans un bassin d'emploi donné. A l'issue des tables rondes qui ont réuni les participants de cette conférence nationale du handicap, la secrétaire d'Etat Valérie Létard a, pour sa part, annoncé deux autres manifestations qui aborderont la question du handicap dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne : le sommet de l'égalité des chances les 29 et 30 septembre prochain et la conférence sur la scolarisation des enfants handicapés les 29 et 30 octobre. Sans oublier l'organisation d'un forum des services sociaux d'intérêt général (SSIG) les 28 et 29 octobre.


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