Laurent Gbagbo, « J’y suis, j’y reste », en dépit des règles démocratiques, par Macaire DAGRY





En pleine campagne présidentielle ivoirienne, le candidat Laurent Gbagbo s’est adressé à ses « supporters » en leur disant, « J’y suis et j’y reste ».
Et cela en dépit des règles démocratiques, des engagements qu’il a lui-même pris en cas de défaite afin que la Côte d’ivoire ne bascule pas à nouveau dans la violence. Fier d’être surnommé « le Boulanger » pour son aptitude naturelle à rouler tout le monde dans la farine, il vient une fois encore de le prouver en organisant un cirque pitoyable d’auto proclamation.

On le savait depuis 2005, Laurent Gbagbo a peur, mais terriblement peur d’affronter le verdict du suffrage universel. Ce qui peut paraître surprenant pour un soi-disant « Démocrate » historique. En fait, nous constatons simplement au regard de l’actualité que l’homme est un imposteur. Il a les attitudes, le comportement et même la structure mentale d’un dictateur. Une structure mentale douteuse et malsaine. Il a longtemps critiqué les dictateurs africains lorsqu’il était dans l’opposition. Une fois au pouvoir, il nous prouve qu’il fait partie de cette « race » de sanguinaires qui, aveuglés par le pouvoir, sont prêts à tout pour le conquérir et le conserver, au prix de vies humaines. Il l’a dit lui même : « qu’il y ait mille morts à gauche ou mille morts à droite, rien ne m’arrêtera ». Nous l’avons écrit dans notre précédente chronique : arrivé au pouvoir de manière imprévue et surtout à la faveur d’un rejet unanime de l’armée à la tête du pays par la population ivoirienne, il était presque normal et prévisible que nous ayons un pouvoir vide de substance et prêt à tout pour se maintenir. Même à se rendre complètement ridicule et à ridiculiser son pays et l’Afrique toute entière aux yeux de la planète. Le spectacle auquel nous avons assisté lors de la première tentative de proclamation des résultats par le porte-parole de la Commission Électorale Indépendante Ivoirienne devant toutes les presses du monde était lamentable et piteux. Voire même affligeant pour tous les Ivoiriens et Africains qui espéraient enfin voir la Côte d’Ivoire s’inscrire dans une logique démocratique à travers cette élection tant redoutée par Laurent Gbagbo.
Si depuis 2005 il a, à six reprises, reporté cette élection sous divers prétextes aussi burlesques qu’hallucinants, c’est qu’il savait qu’il ne pouvait pas la gagner. Il a toujours su et il le sait aujourd’hui encore, qu’il ne peut remporter cette élection dans les règles démocratiques les plus élémentaires. Voilà pourquoi il a toujours trouvé des excuses pour éviter le scrutin universel jusqu’à aujourd’hui où il n’avait plus de marge de manœuvre pour le faire. Flatté par des sondages « bidonnés » à Paris pour l’amener à accepter les règles du suffrage universel, en organisant ces élections, il a fini par comprendre, comme il le dit lui-même, « qu’il a été blagué par les sondages qui le donnaient largement gagnant ». En véritable opportuniste, il a donc exploité « cette blague des sondages » tout en cherchant les moyens de la concrétiser par des fraudes. Dans la réalité, Laurent Gbagbo sait qu’il n’a aucune chance de gagner de manière régulière et démocratique devant le candidat du RDR, Alassane Ouattara. Encore moins devant le vieux parti d’Houphouët-Boigny, le PDCI-RDA. Pire encore, même dans ses rêves les plus fous, il sait qu’il ne peut pas gagner contre ses deux grands partis ivoiriens alliés au sein du RHDP, et qui ne faisaient qu’un avant la mort du vieux. Nous le rappelons, le RDR est issu du PDCI-RDA.
La seule possibilité pour L. Gbagbo de gagner cette élection est de tricher.
Il ne s’est pas gêné pour le faire. Malheureusement pour lui et ses alliés, cela n’a pas été suffisant pour remporter cette élection. Au premier tour, il avait beaucoup de mal à frauder sur le territoire ivoirien, compte tenu de la forte présence des observateurs nationaux et internationaux et de leur vigilance. Il a fallu qu’il donne l’ordre d’empêcher l’accès au centre de dépouillement pendant plusieurs heures pour que les résultats se retournent en sa faveur et au détriment du Président Bédié. On se rappelle encore des vives protestations de la communauté internationale vis-à-vis de cette obstruction inadmissible dans un processus démocratique. Au second tour, l’ordre a été donné de terroriser les ressortissants des populations Dioulas, issues de Nord de la Côte d’Ivoire ainsi que les Baoulés, issus du Centre du pays, installées en territoire Bété, son fief, pour les empêcher de voter. Cette folie a été poussée jusqu’à faire tuer des innocents pour bien signifier à ces populations ce qui les attendait si elles allaient accomplir leur devoir de citoyen au second tour. Résultats de cette démence, plusieurs personnes tuées en guise d’avertissement et un taux de participation inférieur à celui du premier tour.

À l’étranger, le candidat Gbagbo avait toute latitude pour organiser des fraudes massives avec la complicité de ses représentations diplomatiques et consulaires. Le cas de la France est le plus significatif. On se souvient qu’une fois encore, les Ivoiriens de France n’ont pas pu voter. La raison est simple et vérifiable. Lors de l’enrôlement en France, les militants et sympathisants de la majorité présidentielle, tellement convaincus que cette élection n’aurait jamais lieu tant que leur « Boulanger » était au pouvoir, ne se sont pas vraiment donné la peine d’aller se faire inscrire sur les listes électorales. En revanche, les Ivoiriens originaires du Nord de la Côte d’Ivoire, privés de pièce d’identité depuis l’arrivée au pouvoir de L. Gbagbo, ont vu dans ce processus d’enrôlement une opportunité à ne pas manquer pour retrouver leur identité perdue. Nous le rappelons, ces populations ont été dépossédées de leur identité nationale parce qu’elles sont originaires du Nord de la Côte d’Ivoire et supposées voter pour le Président du RDR, Alassane Ouattara. La plupart de ces populations votait de manière traditionnelle pour le PDCI, le parti de Bédié. C’est parce qu’elles ont été marginalisées et pourchassées par les différents pouvoirs ivoiriens, et associées à ADO dans un supposé doute de nationalité, que de fait, ces ivoiriens ont été contraints de faire cause commune avec lui. Vu des pays occidentaux, cela paraît tellement délirant, qu’on a du mal à y croire.

L’ambassadeur Pierre Kipré a exigé que l’élection se fasse avec des bulletins de vote photocopiés.

Le dimanche dernier, les Ivoiriens de France n’ont pas pu voter. Au premier tour, des listes fictives de centres de vote ont été données aux représentants de l’opposition pendant que ceux du LMP avaient les bonnes. En plus de cela, 4500 cartes d’identité et d’électeurs avaient mystérieusement disparu. Comme par hasard, c’était des cartes appartenant aux militants de l’opposition, notamment du RDR. Au second, tour, ce sont des cartons entiers de bulletins de votes qui ont disparu. Dans certains centres comme Toulouse ou Marseille, les documents de vote ne sont tout simplement jamais arrivés. Pire, l’ambassadeur Pierre Kipré a exigé que l’élection se fasse avec des bulletins de vote photocopiés. L’opposition a donc refusé cette comédie pathétique. Encore mieux, à Marseille, on a retrouvé dans le coffre de la voiture du consul de Côte d’Ivoire, tous les documents de l’élection du premier tour. C’est-à-dire, la caisse scellée avec à l’intérieur, les bulletins des suffrages exprimés et nuls, la feuille d’émargement avec les signatures des votants, les procès verbaux de l’élection, enfin, tous les documents qui normalement devaient avoir été transmis à Abidjan. L’ambassade a donc demandé qu’on se serve à nouveau de cette feuille d’émargement pour le vote de second tour. C’est-à-dire que les votants signent à nouveau sur le même document. C’est une hallucination complète, mais réelle. De ce fait, l’opposition a refusé cette mascarade qui en réalité arrangeait bien les affaires du LMP qui cherchait, soit à faire invalider les élections en France parce qu’il savait qu’elle n’avait aucune chance de les remporter, soit au mieux de faire voter des personnes non inscrites sur les listes électorales avec les cartes disparues et faire plusieurs photocopies qu’il suffisait après de remplir pour gagner en France. À Marseille, après plusieurs heures de bataille et de rapport de force avec l’ambassadeur, le consul et des coups de fils interminables, à 12h30, le représentant de LMP, sur ordre a exigé de signer le procès verbal de carence à condition qu’on mentionne dans ce document que la faute est due à la défaillance de la CEI. Plus délirant encore, le président du bureau de vote est arrivé tranquillement à 12H30 comme s’il savait par avance que l’élection n’aurait pas lieu.

Cette même stratégie a été également utilisée en Côte d’Ivoire. Elle a consisté à mettre en cause et à disqualifier la CEI, la rendre incompétente, gagner du temps afin que le délai légal soit épuisé, et donner ainsi à la cour constitutionnelle, aux ordres, la légitimité pour déclarer le candidat Gbagbo vainqueur. Quand un pouvoir inquiet de perdre des élections se met à empêcher les médias étrangers de couvrir les processus électoraux, ferme les frontières du pays, empêche les membres de la CEI de déclarer le nom du vainqueur en lui arrachant des mains des documents et les déchirant, menaçant de dissoudre la CEI, bloquant toute nouvelle impression des résultats à proclamer, et maintenant menace de chasser les observateurs internationaux du territoire, ce pouvoir n’est plus crédible. Il devient de fait illégitime et marginalisé par la communauté internationale. Le plus inquiétant, c’est que cette inconscience peut à nouveau conduire à de véritables drames humains que nous avons espéré dépasser en nous rendant massivement aux urnes afin de voir à nouveau notre pays s’unifier et se réconcilier. Maintenant, la seule chose qui nous reste à faire, après avoir voté massivement, c’est de prier et d’attendre avec patience. Une sœur me disait hier, que « La patience était l’autre Nom de Dieu ». Nous lui demandons alors qu’il nous aide à retrouver la paix et l’amour de l’autre en évitant à nouveau à notre pays, l’enfer.

Macaire DAGRY

5 décembre 2010

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