Edvige - Liberté, j'écris ton nom ! 3




Quand un garçonnet est trouvé mort, à coté de sa bicyclette,lacéré de dizaines de coups de couteau, nous avons envie de savoir qui est le meurtrier et qu'il soit mis hors de possibilité de nuire. Les fichiers ADN sont alors immédiatement exploités. S'ils ne donnent pas de résultats, d'autres traces parlent aussi vite.

La façon dont la Garde des Sceaux arrive sur place, précédée seulement des juges en hélicoptère, en dit long sur la façon de gouverner aujourd'hui. La façon de gouverner de cette majorité. Là, une ministre en mal d'actualité et de visibilité saute sur une aubaine. Mort d'enfant, émotion...
C'est ça, finalement, qui m'inquiète dans le fichier Edvige. Car les outils les plus tranchants, les plus efficaces, ne sont pas à mettre entre toutes les mains.
Il n'y a pas de bons ou de mauvais outils, mais il y a des bons et des mauvais artisans !
Si on gère les Droits de l'Homme avec autant d'attention que la promo des disques de ses amis.
Si l'on retrouve les voleurs de scooter de sa famille, en temps record, sans haine, mais avec recherche d'AdN, et que la justice se fait plus lente pour certains délits de fuite (de sa famille, encore)alors je commence à avoir peur.
Je n'avais jamais entendu parler de cette juridiction spéciale où il est possible de choisir ses juges, et de négocier avec eux !
Je ne plaisante pas, sur ces questions et ces actualités.
M'interroger sur des dérives sécuritaires n'est pas mon habitude. Je n'ai rien à me reprocher de délictueux, fraudes ou rapines, et les faits de jeunesse trouvent toujours leur prescription. Je n'ai donc rien à craindre d'un fichier de plus, résultant de la réorganisation des services de l'État, dans ses fonctions régaliennes.
Sauf que je fais un peu de politique, milite dans des associations. Je me sais en bonne santé.
Je sais qu'il y a un risque terroriste nouveau, peut être plus grand, mais les regroupements de bandes de gamins, ça, ce n'est pas nouveau.
Qui avait ses premiers boutons, quand la guerre du même nom tenait l'affiche ?
Les blousons noirs, c'est nouveau ?
C'est cet amalgame que je n'aime pas.
Terrorisme, délinquance, maladie, engagements politique.
On ne réussit pas à traiter les causes des problèmes d'éducation et de discrimination géographique et sociale, alors on s'équipe pour "traiter" les conséquences. Ce n'est pas une gestion écologique ( systémique) des problèmes.
Et il y a le jeu préféré des bébés : vous connaissez, "coucou/caché !" Il semble que la majorité des médias adoptent une stratégie des petites menottes (j'aurais pu écrire "petites mimines") devant les yeux, qui leur permet de se faire oublier, quand ils oublient de parler de 500 voitures qui brûlent au 14 juillet.
Plus inquiétant encore : lors de ce même 14 juillet, à Nice, en plein centre-ville, 150 personnes ont défilées pour réclamer justice (dans une affaire de crime/règlement de compte en pleine rue) en criant en arabe que leur Dieu était grand. Qu'est-ce que cela veut dire ? Un crime de délinquant, des gens qui réclament que la justice soit faite. Mais en France Dieu ne rend pas la justice. Quelle revendication identitaire s'exprime là ?
Les médias locaux ont-ils dit leur stupéfaction ? Non.
Je m'égare peut être. Mais pendant que l'on surveille , ici, là, là-bas, on oublie peut être de s'occuper de certaines priorités, comme l'intégration dans notre creuset républicain et laïc de populations, nombreuses et diverses ? Et pour cette question la, il faudrait se donner des moyens, technologiques même. Les sciences humaines, la culture, ça s'enseigne, ça s'apprend.

Autre point délicat, dans les premiers pas de la mignonne et dernière née, Edvige :
Quels gamins de 13 ans sont donc visés par ces fichages ? Les décrocheurs scolaires sont-ils inscrits dans un fichier "Educ Nat", pour mobiliser énergie et profs de choc pour les ramener en classe ?
Ce fichier, Edvige, recensera qui ?
Les gamins des quartiers, sensibles, les gamins, pas les quartiers, aux sirènes de la société de consommation, de l'avoir, croyant ne pas être ? Dans ce monde de paraitre, au charme des signes de la réussite, vous résistez, vous ? A part être, quoi d'autres ?
Les gamins qui se retrouvent dans les galeries marchandes, qui parfois (ou de plus en plus souvent) montent de véritables razzias dans les boutiques ?
Les gamins qui se rassemblent sur les places , agora ratées l'urbanisme du siècle passé ?

La CNIL m'a fait douter, un instant. Elle ose émettre des avis contraires aux décrets des gouvernants ? Elle les oblige à faire publicité de ces décrets !
Le doute. Vraiment.
Heureusement, un lecteur timide m'a conforté dans ma certitude. Puisque l'on est fiché avant notre naissance, rien de plus ne pourra entraver ma liberté. Elle est très encadrée, mais je suis libre. Je sais en plus que je suis mon premier censeur, mon premier frein.
Cet ami qui n'est même pas sur "FaceBook", m'a envoyé un courriel début juillet m'annonçant la dérive que représentait ce fichier. Et la semaine dernière il m'a fait passé un lien intéressant : le compteur intelligent d'EDF ! Rien ne lui résiste, pas même les informations sur notre mode de vie.A lire à la bougie sur le blog de RTl Info, et savourez les commentaires.

Alors je ne signerai pas de pétition, je pense avoir fait ma part de "bruit" autour de l'affaire. Je me tiens informé. Il y aurait encore tant de choses à écrire et à dénoncer, comme l'évaluation des contacts de la prévention spécialisée qui amène les seuls professionnels conscients et en alerte, à se faire licencier et black- lister à la moindre résistance ! Education ou contrôle social ?

Au fait, depuis le début de ma série de billets sur Edvige, Bayrou a fait entendre sa position, simple dans l'indignation.
Bayrou "Où va-t-on ?, s'indigne le président du MoDem. Quel régime est-on en train de mettre en place ? Quelle société est-on en train de construire ?"

NB : Un lien sur un site de la CGT, je ne le ferais pas souvent.C'est pour brouiller les pistes et avoir deux tiroirs chez Edvige ! En plus un ex-socialiste vient de me traiter de communiste sur son blog, alors je ris un peu !

Vous ne m'en voudrez pas, cette fois, de ne pas illustrer mon billet d'une ou de plusieurs photographies.


" Décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « EDVIGE »

NOR : IOCC0815681D

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, Vu le code de procédure pénale, notamment son article 777-3 ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment son article 26 (I à III) ; Vu le décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 modifié relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de la décentralisation, notamment son article 12 ; Vu le décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 16 juin 2008 ;

Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,

Décrète :

Art. 1 Le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en oeuvre un traitement automatisé et des fichiers de données à caractère personnel intitulés EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) ayant pour finalités, en vue d'informer le Gouvernement et les représentants de l'Etat dans les départements et collectivités : 1. De centraliser et d'analyser les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l'exercice de leurs responsabilités ; 2. De centraliser et d'analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ; 3. De permettre aux services de police d'exécuter les enquêtes administratives qui leur sont confiées en vertu des lois et règlements, pour déterminer si le comportement des personnes physiques ou morales intéressées est compatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.

Art. 2 Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, et dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à la poursuite des finalités mentionnées à l'article 1er du présent décret, les catégories de données à caractère personnel enregistrées dans le traitement mentionné à l'article 1er et concernant des personnes physiques âgées de treize ans et plus sont les suivantes : informations ayant trait à l'état civil et à la profession ; adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ; signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ; titres d'identité ; immatriculation des véhicules ; informations fiscales et patrimoniales ; déplacements et antécédents judiciaires ; motif de l'enregistrement des données ; données relatives à l'environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle. Les données collectées au titre du 1 de l'article 1er du présent décret ne peuvent porter ni sur le comportement ni sur le déplacement des personnes. Le traitement peut enregistrer des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées à l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée. Celles de ces données autres que celles relatives aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou à l'appartenance syndicale ne peuvent être enregistrées au titre de la finalité du 1 de l'article 1er que de manière exceptionnelle. Il est interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules informations. Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie. Les données concernant les mineurs de seize ans ne peuvent être enregistrées que dans la mesure où ceux-ci, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. Les données collectées pour les seuls besoins d'une enquête administrative peuvent être conservées pour une durée maximale de cinq ans à compter de leur enregistrement ou de la cessation des fonctions ou des missions au titre desquelles l'enquête a été menée.

Art. 3 Dans la limite du besoin d'en connaître, sont autorisés à accéder aux informations mentionnées à l'article 2 : les fonctionnaires relevant de la sous-direction de l'information générale de la direction centrale de la sécurité publique, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur central de la sécurité publique ; les fonctionnaires affectés dans les services d'information générale des directions départementales de la sécurité publique ou, à Paris, de la préfecture de police, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur départemental ou, à Paris, par le préfet de police. Peut également être destinataire des données mentionnées à l'article 2, dans la limite du besoin d'en connaître, tout autre agent d'un service de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, sur demande expresse, sous le timbre de l'autorité hiérarchique, qui précise l'identité du consultant, l'objet et les motifs de la consultation.

Art. 4 Le traitement et les fichiers ne font l'objet d'aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d'autres traitements ou fichiers.

Art. 5 Conformément aux dispositions prévues à l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le droit d'accès aux données s'exerce auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le droit d'information prévu au I de l'article 32 et le droit d'opposition prévu à l'article 38 de la même loi ne s'appliquent pas au présent traitement.

Art. 6 Sans préjudice de l'application de l'article 44 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le directeur général de la police nationale rend compte chaque année à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de ses activités de vérification, de mise à jour et d'effacement des informations enregistrées dans le traitement.

Art. 7 Le présent décret est applicable sur tout le territoire de la République.

Art. 8 Le présent décret entre en vigueur le jour de l'entrée en vigueur du décret n° 2008-631 du 27 juin 2008 portant modification du décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux et du décret n°2007-914 du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.

Art. 9 La ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est chargée de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 27 juin 2008.

François Fillon Par le Premier ministre :

La ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, Michèle Alliot-Marie

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